jeudi 26 août 2010

QUAND GOLDORAK RENCONTRE LA VACHE QUI RIT...

Quand j’étais gosse, je prenais un énorme plaisir à aller faire les courses avec ma mère dans le supermarché du coin, des espèces de supérettes en à peine plus grand. Les vieux comme moi les ont connues : Suma, Stoc, Prisunic sans parler des mini épiceries de quartier façon La Parisienne ou Felix Potin.
N’ayant jamais eu de voiture, nous n’allions pas dans les monstres comme Carrefour et autres endroits de ce genre que je trouvais, et trouve toujours d’ailleurs, inhumains. Toute cette bouffe fraîche à chaque m² exposée juste pour « susciter le désir et l’envie », comme disent ces connards de commerciaux, et dont les trois-quarts sont jetés le soir même. C’est écoeurant et révoltant.

Un gamin, c’est comme un chaton, ça ne pense qu’à jouer, et quoi de mieux comme terrain de jeu qu’un supermarché ? Y’a des obstacles partout, c’est coloré, y’a des victimes/gens qui passent, y’a même de la musique ! Quand j’y allais, je m’éclatais. Je faisais rouler le caddy à fond en montant dessus. On a tous fait ça.

Je traînais un peu partout, profitant que je n’avais pas ma mère sur le dos. J’allais m’aventurer au pays des légumes qui ramenaient avec eux leur odeur de terre (oui oui, à l’époque, les légumes poussaient encore dans la terre !) Je passais ensuite près du port et sa poissonnerie qui sentait la marée puis direction l’abattoir, avec ses morceaux de bidoche de même couleur que la figure du boucher. Enfin, je finissais mon périple dans les vignes de la communauté européenne avec cette odeur piquante et tenace au sol de pinard, moitié italien moitié grec, parce qu’il y avait toujours eu dans la semaine un picolo qui avait cassé une bouteille en prenant les siennes, après avoir remis celles qu’il avait vidées la veille dans le casier des consignes. L’entretien avait beau avoir passé la serpillière, ça sentait encore la vinasse. Lorsque c’était du soda qui avait été renversé, les chaussures collaient sur le carrelage, c’était drôle.

Pour un gamin possédant une bonne imagination, un supermarché, c’est tout un voyage en miniature. Et quand j’en avais marre de tout ça, j’allais me reposer dans mon rayon favori : la papeterie. J’ai toujours aimé ça, les crayons, les étiquettes, les cahiers. J’étais déjà programmé pour l’écriture.

A l’époque, le merchandising n’était pas aussi matraqueur que maintenant mais quand même, on commençait à voir les prémices de ce que nous vivons actuellement, et en particulier sur la bouffe. Les images dans les boîtes de fromage en portions (Vache Qui Rit évidemment mais aussi Samos 99, Les P’tits Savoyards, Les Juniors etc.) existaient déjà. Le plus souvent, on se fadait des footeux ou les films de Di$ney. Ça m’excitait peu. Mais en 1979/80, un robot cornu géant et japonais, que vous connaissez sans doute, bouscula les habitudes et s’incrusta dans les boîtes de frometon, expulsant violemment à coups de Rétrolaser les neuneus en short et la diabolique souris à bretelles.

« Une image de Goldorak dans chaque boîte ! » Sachant déjà parfaitement lire dès 6 ans, il était clair que je ne pouvais manquer ce genre d’accroche lorsque ma mère et moi nous nous pointions au rayon frais. Mes yeux se mettaient de suite à briller et je chargeais immédiatement mon programme de harcèlement/supplications. En général, ça se passait comme ça :

Moi (ton rapide et frénétique) : - Achète-moi c’te boît’de vachkiri steuplé steuplé steuplé steuplé steuplé steuplé steuplé steuplé steuplé steuplé steuplé steuplé steuplé steuplé steuplé m’man !

Comme ce n’était pas la première fois que je faisais le coup, ma mère me ressortait le même refrain :

Maman : - Nan nan nan, eho ça va comme ça ! Je te connais toi ! Une fois à la maison, tu vas prendre les images dedans et c’est moi qui vais devoir finir les Vaches Qui Rit !

J’avais déjà prévu qu’elle me dirait ça. Les boîtes de Vache Qui Rit étaient les plus difficiles à faire passer. Quand c’était un paquet de Bonux, c’était plus simple. La lessive, on s’en sert toujours, et surtout ma mère qui a fait rendre l’âme à de nombreuses machines à laver dans sa vie… Encore que, vu la nullité profonde des cadeaux Bonux (deux limes à ongles, un jeu d’osselets…), je ne courrai pas après. Mais la Vache Qui Rit, c’était pas trop son truc, c’était surtout le mien. Il fallait donc de la persévérance de ma part. On a rien sans rien hein ! Je passais donc le niveau supérieur en harcèlement et avec des promesses comme quoi « ça s’ra différent cette fois, j’les mang’rai toutes, blablabla… » Tu parles ! J’aurais dû faire de la politique…

Ma mère ne cédait pas, du moins les cinq premières minutes. A la sixième, ne pouvant résister à mes yeux de chien battu, et commençant à en avoir marre de m’entendre la tanner, elle se saisissait de la boîte cartonnée contenant les petites portions, entre 12 et 24 car, évidemment, plus la boîte était grosse, plus la récompense était grande, et la jetait dans le caddy en ajoutant d’une voix ferme :

- T’as intérêt à les bouffer cette fois !

Je lui promettais bien évidemment…


Arrivés à la maison, le masque tombait. Je me saisissais immédiatement de la boîte de Vache Qui S’marre, l’ouvrais sauvagement en tirant sur la ficelle rouge, arrachais le couvercle, me saisissais de l’image, toujours posée sur le dessus (quand il y en avait deux, la seconde était souvent sous la pile de portions suivantes) et m’enfuyais dans ma chambre avec la précieuse icône mal dessinée de mon dieu dans les mains, me demandant déjà où j’allais la coller. Sur mon cartable ou l’armoire ?


La pauvre boîte de Vache Qui Rit, elle, se retrouvait là, éventrée, seule, détruite, comme la victime d’un viol se remettant difficilement de ce qui venait de lui arriver… Je n’y touchais plus, elle ne m’intéressait plus désormais. J’avais pris dedans ce que je voulais, maintenant, elle pouvait pourrir, ce n‘était plus mon problème.


Ma mère les finissait donc, plutôt difficilement car n’aimant pas ce genre de fromage sans goût, mais c’était mieux que de les jeter et on ne jette pas la nourriture. Par chance, ces machins sont blindés en conservateurs, la date était donc longue.
A chaque portion le midi, elle râlait en me disant que c’était bien la dernière fois qu’elle se faisait avoir sur ce genre de plan. Combien de fois a-t-elle dit ça ?

3 commentaires:

  1. Oh la!la! ça me rappèlle des bons souvenirs tout ça!!!

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    1. Pareil pour moi ça me rappelle bien mon enfance et ce que comment j'opérai pour avoir aussi la boîte de vache qui rit et les vignettes de Goldorak !!! C'était une vraie époque où tout était authentique...quand tu parle de l'odeur de la terre dans les légumes l'odeur de la vinasse de la villageoise qu'il s'était fracassée par terre c'est bien vrai j'ai connu ça aussi... Et trop ouf quand les baskets collaient sur tout ça... c'était marrant et dégueu aussi...
      Merci stefwill pour m'avoir fait revivre et redécouvrir cette nostalgie de l'époque. Goldorak GO!!!

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