mardi 12 août 2014

SOUVENIRS DE BROCANTES BRETONNES (1/2)

La Rouquine avait été très ferme sur le sujet. En vacances ensemble pour quelques jours en Bretagne, nous abandonnerions donc nos mauvaises habitudes citadines à base de flemme, procrastination et rouille devant un écran plat, pour nous aventurer à l’aventure… Cela voulait dire : sortir dans ce lieu plein d’ennemis, de bruit, de lumière et d’air que l’on nomme « dehors », et qui se trouve à l’extérieur.
Une check-list commune fut rapidement mise au point. Resto ? Ok. Plage ? Ok. Baignade ? Ok. Radada ? Ok mais pas dehors hein… Brocantes ? Ah ! C’était donc ça. Toute cette pression psychologique cachait en fait un seul but pour elle : faire la tournée des brocantes et autres vide-greniers du coin, fort nombreux en plus en cette saison. Ayant épuisé ceux de Paris et de sa banlieue, sa venue en territoire bigouden ne pouvait se faire sans un pillage frénétique des ressources bretonnes. C’était plus fort qu’elle. La marée noire, c’était rien face à la marée rouge.
Bon, je n’étais pas contre non plus, même si la définition des brocantes par le maire Quimby dans l’un des épisodes des Simpson résonne encore dans ma tête tant elle correspond parfaitement à ce que j’en pense :
- Des bêtes humaines se nourrissant des déchets des autres ! La seule chose que l’on ne puisse pas acheter ici, c’est la dignité !
Il y a une brocante tous les ans dans ma ville, juste en bas de chez moi, je ne peux pas la louper. Quand j’y passe, je me demande toujours qui peut bien acheter toutes ces cochonneries dont la place serait mieux dans une poubelle ou un bac de recyclage que sur un étal. Bien sûr, même dans la boue, on peut trouver une pépite. Mais tamiser trois tonnes de merde pour la trouver, ça me fatigue d’avance. Je suis sans doute trop snob. Enfin, si c’est pour le bien de notre couple, va pour les brocantes. Je suis pour la paix des ménages.

Dès le lendemain de notre arrivée, nous avons commencé à en chercher, la Rouquine étant plus que pressée. Sautant dans sa grosse voiture allemande qui parle, nous nous mettions en chasse, à la recherche de rien de particulier mais tout à fait disposés à l’acheter tout de même.
Au hasard d’une route, on en trouvait enfin une faisant un peu tout et n’importe quoi. Bouquinerie, brocante, salon de thé… Je suis persuadé qu’en leur amenant vos godasses à ressemeler, ils vous diront ok…
On se gare, verrouille K2000 par une télécommande, avec comme témoins les rétroviseurs qui s’alignent contre la porte (moi qui en étais resté à la Renault Fuego, que de progrès depuis !) et nous nous dirigeons vers ce lieu. Je ne bougonne pas pour une fois. Les bouquineries auront toujours ma préférence pour des raisons évidentes.
Dès l’entrée, un parfum de vieux papier nous assaille. Tout comme pour le neuf dans une librairie classique, j’aime cette odeur. Elle me rassure et me rappelle tellement de souvenirs heureux. En bonne brocante digne de ce nom, c’est un véritable bordel qui s’offre à nos yeux. A nous de creuser dans cette triste mine afin d’y extraire une hypothétique larme de carbone.
L’espace bouquinerie, le coin le plus vaste, tient ses promesses. La Rouquine débusque des magazines de mode des années 60, de vieux périodiques et des Titans.


La plupart des Spidey étaient également présents et en très bon état. Pour quelqu’un qui voulait se (re) constituer une collection, c’était le bon moment. Je les ai tous en scans, aucun intérêt.
La Bretagne, et nous en aurons la confirmation avec toutes les autres brocantes qui suivront, a un lourd passif question Seconde Guerre Mondiale, où la collaboration fut tout aussi active que la résistance, et les bouquins d’époque sur ces années noires se retrouvèrent en masse devant nos yeux. Etant tous deux grands amateurs d'Histoire, en particulier de cette période, tellement révélatrice de l’âme humaine, nous ne nous sommes pas privés de faire une jolie razzia sur le sujet.


N’étant pas un habitué de ces lieux, j’explore tout en n’espérant rien de particulier. Je porte surtout les trouvailles de Madame… Ça sert à ça les hommes dans un couple. Chargé comme un mulet, et sentant les crampes m’envahir, je décide de déposer tout ça sur le bureau de la proprio/caissière en lui disant qu’il y en aura sûrement d’autres. Elle me sourit sincèrement, sentant qu’elle va faire sa journée avec nous, bien plus qu’avec ses infusions d’eau chaude.
A ce propos, le « salon de thé » se résume à quelques tables et chaises dehors et à une machine façon Nespresso de l’autre côté. Quand on lui commande une consommation, la patronne file dans sa cuisine, enclenche le bruyant bidule puis apporte tout ça sur un plateau en slalomant entre les piles de bouquins du mieux que ses sandales orthopédiques le lui permettent. C’est sport.
Passant devant une vitrine murale proposant des petites voitures encore en boîtes, de marques Vitesse et Minichamps, je découvre une autre pièce. Là, c’est de la brocante pur jus. D’un côté, un coin disques avec des piles de vinyles et quel choix ! En quelques mouvements de mains, je débusque un best of d’accordéon en 33 tours, un Cd « Boulevard Des Hits » de 1987 ou un 45 tours d’Isabelle Morizet datant de l’époque où elle était encore physiquement humaine et se faisait appeler Karen Cheryl… Manque plus que la Compagnie Créole et je me suicide.
Plus loin, des objets « typiques » sont sur des tables. Crucifix, poupées en costume du pays, une des premières machines à calculer entièrement mécanique. En hauteur, on aperçoit une boîte contenant une figurine Saint Seiya, les premières issues de la fin des années 80, et c’est Phénix. 25€. On s’est tâté et puis finalement, non. Elle était moche, comme toutes ces figurines d’ailleurs, et nous ne savions même pas si elle était complète.
Mon pied bute dans quelque chose. Des bacs de BD sous une table. C’est classé par ordre alphabétique. Tiens ! Et si je regardais à la lettre « G » ? Je fouille et dès le début, je tombe sur un périodique de Goldorak éditions Télé-Guide. C’est le seul du bac et je l’ai déjà en scans. Mais bon, nostalgie. Je l’avais bien évidemment, et tellement d’autres avant que je ne décide de les balancer en 1985…

Une brocante, ça se fait en plusieurs fois. Un premier tour principal, un second pour être sûr et parfois un troisième, histoire de. Ici, deux suffiront. Nous achevons la visite avec une dernière trouvaille, un bouquin sur les choses de la vie…


Passant en caisse, la proprio regarda à peine nos livres, sans doute ravie de voir des clients aussi généreux et surtout de se débarrasser, ne serait-ce qu’un peu, de tout son merdier. De mon côté, je suis très surpris de voir qu’elle a un dispositif de paiement par carte de crédit. Dans un trou pareil et une boutique aussi obscure, c’est étonnant. Nous ressortons avec deux sacs de plusieurs tonnes chacun et sous un merveilleux soleil breton, bref, sous la pluie…

Au cours du trajet de retour, la Rouquine m’expliqua la différence entre une brocante et un vide-grenier. Une brocante, c’est un truc de professionnels en gros, qui trimbalent leurs merdes de villes en villes, sont organisés et très « commerçants », avec du bagou et énormément d’hypocrisie. Ils se prennent souvent pour des antiquaires. Ils en ont l’air mais pas la chanson. Il n’y a jamais rien, ou si peu, sur leurs stands, comptant sur leur pouvoir de persuasion pour vous faire acheter leurs « antiquités » sans valeur.
Un vide-grenier, c’est plus pour des particuliers qui « vident leur grenier » justement. Ils ne cherchent pas forcément à se remplir les poches mais surtout à se débarrasser de toutes les merdes qu’ils ont accumulées pendant des années et qui ne leur servent finalement à rien. Cela valide ma théorie du succès de ces manifestations depuis un peu plus de dix ans : les gens se sont aperçus qu’ils avaient tout chez eux, souvent en double ou en triple, et qu’ils ne s’en servaient jamais. Ils avaient acheté un lot de 40 assiettes à 20€. Ils s’étaient dit que c’était une « affaire » et que c’était toujours utile pour recevoir les amis. Problème, ils n’ont pas autant d’amis que ça et ils ont déjà largement leur comptant d’assiettes en stock chez eux pour recevoir. Alors c’est resté dans le placard ou à la cave. Et puis finalement, un jour, constatant qu’ils n’avaient plus de place, et ne voulant pas les jeter, ils ont décidé de les vendre, ça et tout le reste qu’ils avaient acheté de la même façon. Vu que la mode est aux brocantes, ils ont loué un petit emplacement un dimanche et se sont dits que ce serait amusant. C’est là que les merveilles se trouvent et c’est là que les affaires se font, grâce à ces éphémères.
Grande experte de la chose, et féroce négociatrice, la Rouquine me raconta ces jours où elle a trouvé des jouets Popy en boîte, quasi neufs, vendus à moins de 30€ par des gens n’y connaissant rien du tout. Cela avait été offert ou gagné mais ne sachant pas ce que c’était ou ne leur plaisant pas, c’était resté à pourrir pendant des années dans un coin d’armoire. Entre deux gloussements, elle évoquait également ces baisses de prix exceptionnelles grâce à un décolleté ravageur et ces vendeurs masculins acceptant même de lui porter ses achats jusqu’à sa voiture… Le pouvoir des femmes.

A suivre.

2 commentaires:

  1. Les brocantes ne sont pas que des pouilleries sans nom ! On y trouve de chouettes jouets à qui on donne une seconde vie et on visite des coins très sympas de France et de Navarre. Bon ok on peut aussi être tentée d'acheter des cache-pots en macramé et des compilations de techno kazakh mais j'arrive à me retenir !

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  2. Vivement le deuxième épisode.

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