LE CLUB DES MAITRES DE L'UNIVERS

Mode CONFESSION ON. Je l’avoue, j’ai été membre du Club Des Maîtres De L’univers pendant deux ans, de 1984 à 86. Quelle honte, et surtout, quelle arnaque ce truc quand j’y repense !
A l’époque, la série animée passait dans Récré A2, le vendredi si je me rappelle bien. Je la regardais évidemment. Ça n’avait pas la même saveur qu’un dessin animé japonais non, mais ça me plaisait bien. J’en ai revus récemment. Mon dieu… Il fallait que je sois jeune pour aimer ça ! Je ne parle pas de la qualité graphique ni même de l’animation qui, elle, était vraiment bonne, avec de véritables mouvements décomposés et très travaillés (même si les abus de réutilisations de séquences ont rapidement tout foutu par terre, on revoyait toujours les mêmes trucs), mais alors les histoires… C’était vraiment Bisounours Land. Et bonjour les faire-valoir et autres gentilles petites bestioles ! On se serait cru dans Star Wars ! Au secours !


Le Club Des Maîtres De L’univers, c’était quoi ? Et bien, pour être franc, on ne le savait pas nous-mêmes ! La pub donnait très peu d’infos à ce sujet et se contentait de suggérer des bribes de scénario pour mieux que nous complétions tout seul le film. Et quand Musclor nous parlait de cadeaux et de surprises tout au long de l’année, on pensait tous qu’on allait recevoir des figurines de la série ! Ben voyons !

Je ne me souviens plus trop comment je suis devenu membre du club la première fois. Il venait juste d’être lancé en plus. Une pub dans un périodique ou par parrainage ? Je me souviens que ma voisine de palier, ma complice de jeux d’enfant pendant près de vingt ans, était dans le trip du Club Barbie à cette époque. Peut-être que cela vient d’elle vu que c’était la même boîte tout ça (Mattel), et je me rappelle très bien qu’elle avait reçu dans ses propres courriers Barbie des offres de parrainage au Club Des Maîtres De L’univers. Mais je ne crois pas et pencherais plutôt pour le périodique.

Bref, je me revois tout de même mendiant à ma mère un chèque d’une trentaine de francs et postant la lettre plein d’espoirs et d’envies.
J’ai rapidement reçu mes trois cadeaux, une carte de membre à mon nom et quelques petites feuilles volantes colorées signées Musclor. Ces cadeaux étaient salement merdeux et tous griffés « Maîtres De L’univers » : un bandeau de poignet noir façon tennis, un badge énorme en véritable plastique artificiel et un transfert pour T-shirt… Mais j’étais content ! Quand on est gosse, le moindre « cadeau », même digne d’une tirette à 1fr, nous ravit. J’attendais la suite, le paquet de figurines gratuites et peut-être même le Château Des Ombres… Hélas, après cette entrée en matière prometteuse, les courriers se firent rares. Moi qui m’attendais à des envois réguliers de BD et autres photo-montages de jouets (très efficaces également !), j’ai été assez rapidement déçu.

Juillet 1984. J’étais donc en vacances. Il faisait beau et chaud dans la région parisienne à ce moment-là et je m’apprêtais à partir le mois suivant avec mes parents en Bretagne pour un climat nuageux, frisquet et plutôt humide... Je descendais chercher le courrier quand je vis dans la boîte une enveloppe blanche adressée à mon nom ! C’était Musclor qui m’écrivait ! Et personnellement ! Ça m’a vraiment touché car je ne m’y attendais pas du tout. Je n’ai jamais oublié ce sentiment alors qu’il est vraiment ridicule. J’imagine que c’est la même chose que doivent ressentir les petites vieilles solitaires adeptes des machins de La Redoute quand elles reçoivent des offres personnalisées, avec leur nom dessus.

- Chère Mauricette BROUGNARD, vous êtes belle et nous vous aimons ! Si vous voulez que ça continue, commandez cette nouvelle gaine bionique SVP !

Dans cette lettre à moi, rien qu’à moi, je découvris, mais sans le comprendre à ce moment, ce qu’était réellement le Club Des Maîtres De L’univers. Entre deux phrases me disant que j’étais quelqu’un de confiance et un ami personnel de Musclor, l’icône gay par excellence me proposait d’acheter quelques merveilleux goodies estampillés Maître De L’univers. Comment résister ?

Il y avait tout un travail de culpabilisation dans ces courriers. Le gamin naïf s’estimait redevable envers quelqu’un d’aussi gentil et puis, surtout, c’était Musclor quoi ! Ne pas lui acheter sa camelote, c’était risquer de le décevoir. Alors le môme s’en allait taper ses parents… De plus, il faisait du prosélytisme à l'école. S’il convertissait ses copains, et les faisait devenir membres du club, par le jeu des parrainages, il avait des cadeaux supplémentaires. C’était quasiment une secte doublée d’un système pyramidal !

Durant ces deux ans d’adhésion, j’ai vu défiler les pires cochonneries que l’on puisse imaginer. Des trucs qu’on ne songerait pas à acheter dans le commerce, même en promo. Set de courrier au format américain (ça ne rentrait donc pas dans les enveloppes françaises…), trousse transparente moche, crayons d’un autre âge n’écrivant même pas, gommes qui n‘effaçaient rien, taie d’oreiller supportant mal la machine à laver etc. Ça sentait les produits de très mauvaise qualité à plein nez mais tout de même vendus un certain prix. Je me souviens du set de courrier à 50 balles quand même. La culbute pour Mattel devait être bonne. J’en ai pourtant acheté plusieurs.

C’était désormais clair. Le Club Des Maîtres De L’univers, c’était payer un droit d’entrée afin d’avoir ensuite le « privilège » d’acheter d’onéreuses merdes publicitaires. Quand Musclor m’écrivait, ce n’était pas pour prendre de mes nouvelles mais juste pour tenter de me vendre quelque chose. Ce club ne servait qu’à ça. Les gamins inscrits à ce truc n'étaient là que pour récupérer l'argent de papa/maman et l'envoyer sur Eternia. Et les ordures de chez Mattel ne s’en cachaient même pas en plus. Ils auraient pu alterner. Un courrier de vente et un autre avec des histoires dessinées, des trucs stimulant l’imagination, des bases pour faire des histoires avec leurs jouets, un concours de photos avec les figurines, ce genre de choses je ne sais pas ! C’était même bon pour eux. Que ce club mérite au moins cette appellation ! Rien. C’était juste une centrale d’achat style France Loisirs, à la limite de la malhonnêteté. En bon VRP, Musclor débarquait régulièrement dans sa R16, venait chez moi, sonnait, coinçait son pied dans l’encoignure de ma porte une fois ouverte et me hurlait :

- DONNE-MOI LE FRIC DE TES PARENTS !

Le summum du comique fut atteint avec le fameux cadeau d’anniversaire. Je ne me souviens pas de ce que j’ai reçu la seconde fois, mais la première restera gravée à jamais dans ma mémoire. Vu l’occasion, parce que chaque gosse se croit exceptionnel, on s’attend toujours à un GROS cadeau. Je voyais déjà un énorme colis arriver, avec le logo de Musclor dessus. Je déchirais avidement l’emballage et je découvrais, au choix, un Château Des Ombres complet, plusieurs figurines empilées, des accessoires etc. Y croyais-je vraiment ? Non, je n'étais pas aussi con quand même, mais je voulais y croire, oui.

Finalement, mon cadeau d’anniversaire de la part de Musclor tenait dans une simple enveloppe blanche classique avec un bout de scotch au dos. C’était un magnifique porte-clés en plastique représentant deux épées, les mêmes que celles des figurines d’ailleurs, et en couleur orange et vert fluo... Mmmhhh, le beau cadeau que voilà !... Je revois encore ma mère piquant une crise de fou-rire devant ce cadeau nullard, et elle avait raison !

Le plus vicieux là-dedans était que le gamin attendait réellement des figurines et, comme elles ne venaient pas, la frustration aidant, aguiché par les images et dessins des lettres reçues, les catalogues de jouets, l’album d’images Panini, que j’ai toujours, et la série télé, et bien il les achetait lui-même. Logiquement. Fatalement. Des deux côtés, Mattel était gagnant. C’était fort. Pour ma part, je suis tombé dans le panneau et j’ai franchi le pas en 1985 avec mon premier Maître De L’univers, Bélios (Ram-Man). Puis, se sentant un peu seul, il fut rapidement rejoint par une seconde figurine, Océanor (Mer-Man), puis une troisième, une quatrième etc. Ça a duré comme ça pendant plus d’un an.

J’ai laissé tomber en 86 tout ce cirque. J’avais compris ce qu’était ce club, et mon engouement pour les Maîtres De L’univers s’était estompé. J’avais eu une bonne quinzaine de figurines, le Château Des Ombres et quelques gros accessoires. J’en avais fait le tour et, avec mes 14 années au compteur qui se profilaient, je commençais à devenir trop vieux pour tout ça, préférant jouer à l’homme et courir la gueuse.

De plus, on assistait à un changement d’ennemi à ce moment-là. Skeletor passait dans la catégorie secondaire pour laisser place à Hordak. Pourtant, il ne l’a jamais remplacé à mon avis. On peut dire ce qu’on veut mais le look de Skeletor est irremplaçable. C’était même étonnant de voir une tête de mort aussi mauvaise dans un dessin animé si formaté pour la famille à cette époque.

Même les nouvelles figurines se montraient bien inférieures aux premières en terme d’originalité, passant du bestiaire ou monstres les plus débiles, sans parler d’une des règles d’or de Mattel, à savoir commercialiser pour chaque camp quasiment la même figurine ou accessoire. Musclor a Stridor son fidèle destrier, Skeletor aura Night Stalker. Différences ? Les granulés de plastique n’étaient pas de la même couleur dans la matrice… Allez hop ! Ras les tongs de toutes ces conneries ! Je tirais la chasse sur les Maîtres De L’univers pour de bon, les envoyant dans le fin fond des égouts d’Eternia.

Lors de l’annonce qu’il fallait renouveler mon abonnement, je n’y ai pas répondu. Mais c’est comme les opérateurs de portables, ils ne vous lâchent pas comme ça. Ne recevant rien de ma part, ils ont retenté le coup, trois fois je crois en l’espace de deux mois. Ils écrivaient bien plus qu’avant là… Peine perdue. Je me rappelle encore du dernier courrier de relance. On y voyait un dessin représentant Musclor luttant désespérément à coups d’épées contre Skeletor lui disant :

- SEBASTIEN n’a pas répondu, ses cadeaux sont donc à moi !

Et l’autre blondasse dopée aux anabolisants magiques lui répondait :

- Non, il a droit à encore une dernière chance !

Toujours dans la culpabilité.

Le summum de l’horreur fut atteint avec le Club Barbie. Les courriers de relance mettaient en scène la poufiasse disant à la petite fille :

- Si tu ne te réabonnes pas, tu ne seras plus mon amie !

N’abonnez jamais vos enfants à ce genre de connerie. Ce n’est que du conditionnement par correspondance ! Ils vous tapent déjà assez de fric comme ça toute l’année, inutile d’en rajouter.

Petit inventaire des goodies de ce fameux club.

Le premier badge. Un énorme morceau de plastique avec un sticker collé dessus et une épingle à nourrice encastrée derrière... J'en ai pas vu beaucoup dans la rue.

Le transfert pour le T-shirt. Oui, c'est normal qu'il soit à l'envers, allons voyons!

Exemple type de bulletin d'inscription, celui-ci date de la seconde année.

Le second badge, plus petit et nettement plus beau que le premier mais c'était pas dur...

Un truc que j'aimais bien, un poster en relief. Pas besoin de lunettes spéciales ici. C'était une feuille de plastique emboutie rien de plus mais ça faisait son effet.

Le tampon encreur avec la signature de Musclor... Je dois encore avoir des 45 tours de l'époque avec cette marque dessus.

La taie d'oreiller "Club Des Maîtres De L’univers". Le dessin était le même que celui du transfert pour T-shirt plus haut mais en bichromie. L'idiot dormant dessus n'était pas livré avec...

Le fameux porte-clés, mon premier cadeau d'anniversaire! Comment oublier un tel présent? Si beau, si magnifique, si utile, si solide!... J'en fais encore des cauchemars plus de 25 ans après...

Une serviette de plage. Je n'ai pas connu ce goodies, il doit dater des années suivantes.

Un autre bulletin d'inscription mais datant de 1988. On constate deux choses: la première, c'est l'augmentation du prix de l'abonnement. De 35, on est passé à 55 francs! La seconde, c'est que les cadeaux sont toujours aussi nuls et surtout, il y en a moins! Un seul cette fois, un truc qui n'a rien à voir avec les Maîtres De L'univers en plus, et un cadeau mystère, histoire d'allécher un peu plus le marmot qui s'imaginait là aussi recevoir une figurine et se retrouvait sans doute avec un jeu d'osselets ou une lime à ongles...