dimanche 6 novembre 2016

RETOUR DE BROCANTE

Un Emmaüs en province. Dehors, des tables mises bout à bout. Dessus, de la vaisselle à perte de vue. Assiettes, pichets, couverts, plats etc. Guy Degrenne land.
La seule chose qui pourrait nous intéresser là-dedans, la Rouquine et moi, serait des verres Amora avec du Goldorak ou du Albator dessus, ce genre de truc. Mais rien de tout ça. Par contre, chopes de bière, verres à liqueur ou à pastaga, pas de problème ! La France quoi !

Presque dans le fond de ce jardin de la faïence, un abri et la radio à plein volume dedans. Nous prenons une bonne inspiration et nous nous y rendons. Une espèce de clodo-romano-vendeur de voitures d’occasion nous accueille. 55 ans à tout casser, le teint rougeaud des alcooliques assumés, un mégot imbibé de salive vissé au coin du bec, rouflaquettes, un faux cuir sans manches et, presque engloutie sous son ventre de buveur, une énorme boucle de ceinture ovale façon cow-boy. Ça sent le fan de Johnny
Sa cahute est le prolongement des tables dehors, il ne fait que dans la vaisselle mais il y a aussi les appareils ménagers de nos (grand) parents, vous savez, le robot Marie, le couteau électrique Seb, le stérilet Rowenta etc.

Avant d’entrer, la Rouquine reste dehors et fouine sur les côtés de la cabane. Il y a des tas de trucs sur des étagères. Elle dégote de la vaisselle 70's et autres accessoires orange qu’elle met de suite dans son nouveau sac de brocanteuse et de très bon goût et continue sa fouille. Soudain, Johnny Clone sort de sa bauge, la voit et lui dit :

- Faut pas toucher ma p’tite dame, là ce sont les articles en attente d’être payés !

C’est-à-dire que ce sont les trucs que les gens ont déjà trouvés et qui seront donnés une fois la preuve d’achat (ticket de caisse) présentée. La Rouquine me regarde et me dit tout bas :

- Pourquoi mettre tout ça ici à la vue de tous ? Il ne peut pas les garder dans sa boutique à côté de lui ou derrière le bureau ? C’est n’importe quoi ça !

Pensant qu’elle allait remettre les articles à leurs places, je vis à son visage contrarié qu’elle n’avait aucune envie de les rendre.

- Tu ne vas pas oser !

…lui demandais-je.

- Oh voyons, tu me connais enfin...

…me répondit-elle dans un soupir qui en disait long.

Nous fîmes un tour rapide dans le bidonville du fils caché de Johnny et Sylvie. La Rouquine trouva encore quelques trucs puis revint vers lui et lui demanda le prix pour tout ça, cochonneries orange incluses. Je me suis dit qu’il allait les reconnaître de suite, surtout qu’il avait dû les avoir en mains il y a moins d’une heure. Même pas ! Il lui fit la totale pour 4€.
Toujours relax, elle lui laissa le matos, qu’il alla remettre au même endroit, dehors, sur ses étagères, puis nous partîmes payer.

Il fallait faire vite. C’était à celui qui reviendrait le premier vers Dick Hallyday avec son ticket qui raflerait les précieuses merdes. Nous ou la/les personne(s) qui les avai(en)t trouvées avant, sans parler des autres clients qui pourraient faire exactement la même chose que nous.
Evidemment, il n’y avait qu’une seule caisse et une file d’attente digne de la Poste un samedi matin. Je me demandais bien pourquoi mais je compris quand il ne resta plus que deux personnes devant moi. La caissière papotait avec chaque client !
Mon tour arriva enfin. Elle tenta de tailler le bout de gras avec moi, sans succès. « B’jour », « oui », « non », « mmmrbl », « m'rciorvoir » furent mes seuls mots. Ticket en pogne, je retrouvais ma douce moitié qui errait près d'épaves de pianos aux sourires d’ivoire aussi fracassés que leur vendeur.
Allez, retour vers Johnny Rivers.

J’étais pas trop à l’aise avec cette histoire. Sentant que ça puait, je proposais à la Rouquine de prendre sa place pour aller chercher les objets. En cas de scandale, on fait moins chier un homme qu’une femme.

- Laisse-moi faire.

…me dit-elle avec un de ses regards dont elle a le secret.
Planté devant la cabane de Huckleberry Finn, j’attendais nerveusement, me préparant à un clash avec la/le premier(ère) client(e) qui arrivait peut-être au même moment. Mais il ne se passa rien. La Rouquine ressortit triomphante avec ses objets à la main.

- Faut pas traîner ici !

…lui dis-je.

Du vol ? Non, pas du tout puisque l’Emmaüs a été payé. Mais du carottage sur le dos de quelqu’un de pas assez rapide, oui sans aucun doute. Je me demande comment ça s'est passé avec l'autre client(e) quand elle/il est venu(e) chercher ses objets.
En repartant, je dis à la Rouquine :

- Ta place est déjà réservée en enfer, tu le sais ça ? 
- Mmmh… Arrête tu m’excites !

Désespérante.

A la sortie de l'Emmaüs, nous croisons deux bonnes femmes habillées n’importe comment avec un petit enfant à leurs Crocs. L’une dit :

- Quelle mignonne petite fille !

Et l’autre de répliquer :

- Ah non, c’est un garçon !

Pourquoi payer pour aller au cinéma ou au théâtre alors que le spectacle est partout et gratuit ?

Quelques unes de ces merdes qui ont failli nous coûter notre liberté... Tout ça pour ça!

Des livres. Il faut toujours fouiller les casiers ou cartons au ras du sol car les gens ne veulent pas se baisser et donc, ce sont souvent les plus fournis. Une jolie moisson sur le dernier empereur de Chine, sujet toujours intéressant, mais aussi sur son aïeule, l'horrible Tseu-Hi, l'impératrice douairière. Un destin fascinant, ou comment passer du rang de prostituée à celui d'impératrice. Remarquez, ça n'a pas trop changé, regardez Jiang Qing, la femme de Mao, ou plus récemment Kate Middleton... Tseu-Hi était une psychopathe. Son truc préféré était de faire un cadeau somptueux à un mandarin, quelque chose de très coûteux, un machin en or massif couvert de pierres précieuses, ce genre de connerie... La tradition voulait que si l'impératrice vous faisait un cadeau, vous deviez lui en faire un en retour et d'une valeur supérieure à ce qu'elle vous avait offert. Vu le présent initial, le pauvre mandarin ne pouvait monter la barre aussi haut. C'était donc considéré comme un manque de respect envers l'impératrice et il était condamné à mort puis exécuté. On savait s'amuser à l'époque!

Quelques vieilles BD de notre jeune temps. Rahan, grand souvenir pour nous deux, et c'est la première édition, celle que l'on a connue étant gosse. La Rouquine a toujours eu un faible pour les sauvages en pagne... Le bouquin sur Heidi a été pris pour deux raisons, la première son prix (0,50€) et la seconde, pour ses dessins. On a rarement vu pire!

La preuve! On se plaignait des BD françaises de Capitaine Flam mais là... On notera que Heidi est brune sur la couv" et blonde dans le bouquin... Quant aux visages en forme de ballon de foot, comment dire... Bah, vous savez.

De l'histoire encore et toujours. On a trouvé les trois tomes de Salan dans trois rayons différents... Du pur hasard!

Des disques. Ah Pit et Rik et Patrick Topaloff. C'était les idoles des cours de récré fin 70 début 80 à la primaire... De nos jours, ils seraient censurés et traînés en justice. Pensez donc, Rikiki Pouce Pouce raconte l'histoire d'un gamin abandonné par ses parents dans un bac à surgelés et Ali Be Good se moque des Arabes, donc des musulmans, donc de l'Islam... Quelle infamie! Putain ce que je suis content d'être né en 1972!

1 commentaire:

  1. J'ai acheté l'intégrale Rahan chez soleil mais je garde précieusement l'édition donné par mon papa: c'est comme ça que je l'ai découvert et c'est aussi la meilleure période pour le graphisme de Cheret et l'originalité des scénars de Lecureux... Ensuite, le dessin devient très mécanique, gnangnan, et Lecureux recyclera encore et toujours ses scénarios avec des dessinateurs différents quand Cheret sera indisponible... Malgré ça je reste fidèle au boy scout préhistorique.

    Quant à Tseu-Hi, bah , je suis sûre que des empereurs ou rois ou mecs au pouvoir ont fait des petites taquineries du même genre, mais comme elle c'était une femme, c'était tout de suite vu comme moins normal... De toute manière, les gens qui veulent le pouvoir, homme ou femme, ont toujours un grain.

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